Thierry Pardo et la liberté éducative

Par Guillaume Le Penher
Sketchnote de la conférence de Thierry Pardo

Pour la société « classique », Thierry Pardo a des références rassurantes. C’est un Docteur en Éducation, chercheur indépendant associé à l’Université du Québec à Montréal. Mais il devient vite inclassable et insaisissable si vous évoquez les « sciences de l’éducation »… Son crédo : l’école sans école. Et comme il vit au maximum ce qu’il prône, il a beaucoup voyagé en famille, hors du cadre scolaire. Lorsqu’une dame demande un jour à ses deux garçons s’ils vont à l’école, voici ce qu’ils lui répondent : « Vous savez, on a pas bien le temps d’aller à l’école… » Le voyage, ça fait grandir et ça occupe.

Thierry Pardo donne une conférence à Montpellier
Conférence de Thierry Pardo au 3ème congrès « Innovation en éducation » à Montpellier

Une conférence passionnante de Thierry Pardo

La semaine passée, Thierry Pardo a ouvert le cycle de 12 conférences à Montpellier. Lors du 3ème congrès « Innovation en Éducation », il a exposé ses idées originales devant un parterre de 600 profs, éducateurs et parents. Pendant une heure, il nous a parlé de la « Liberté éducative ». Pour Thierry Pardo, « Apprendre est consubstantiel au fait de vivre ». Alors comment en sommes-nous arrivés à créer des écoles ?

Les écoles sont considérées comme les lieux dédiés à la transmission des savoirs essentiels. Malgré tout, comme le souligne Thierry Pardo, depuis que le monde est monde le rôle des parents est d’éduquer leur enfant. Pour nous faire comprendre le cheminement qui a conduit la société à ouvrir les écoles, il nous plonge dans l »histoire.

Un parallèle agricole éclairant

Retour en Anatolie, au début de l’agriculture. Avec son air de trappeur canadien, Thierry Pardo revient sur la culture du blé et les débuts de la sédentarisation humaine. Grâce à la stabilisation du climat, les humains peuvent enfin cesser de marcher et établir leurs groupes sur des terres fertiles.

Ils décident alors de semer leur grain au lieu de cueillir çà et là les maigres épis disponibles. De cette manière, ils peuvent tout récolter au même moment. Il faut donc trier, stocker, distribuer. Avec la domestication arrive la spécialisation, la création des métiers.

Alors, les humains affinent les processus jusqu’à l’industrialisation. Le danger se rapproche. On pense maintenant que l’agriculteur « fait » le blé. La croyance se répand et devient vérité. Puis la science s’en mêle. On créé l’agronomie et les intrants. Le bout du chemin est atteint.

Au 19ème siècle, il a fallu préparer les enfants au travail en usine. Les humains étaient des bras au service l’agriculture, de l’armée ou de l’industrie. On a donc organisé l’école pour faire face à ces besoins nouveaux de la société. Les enfants ont été « classés par date de fabrication » puis rassemblés dans ces lieux appelés « écoles ».

Comme pour l’agriculture, la science est entrée dans la danse. Les « sciences de l’éducation » sont définies. Pour amener les classes d’âge à « la récolte » (typiquement, le bac), nous employons la chimie : Ritaline pour les enfants, Prozac pour les profs !

Inutile de préciser que le parallèle de Thierry Pardo a fait quelques vagues dans l’assemblée du congrès !

En Résumé-Thierry Pardo-vivre la liberté éducative

En Résumé-Sketchnote Thierry Pardo-conférence liberté éducative

Vivre la liberté éducative par Thierry Pardo

Explorer, cartographier, comprendre

Thierry Pardo détaille les qualités essentielles d’un bon environnement éducatif. Quand on parle « d’école à la maison », voire de « Unschooling » les questions fusent :

  • Comment les enfants vont-ils apprendre ?
  • Comment vont-ils tisser un réseau social ?
  • Pourront-ils s’insérer dans la société à l’âge adulte ?…

Toutes ces questions légitimes viennent de notre formatage scolaire. Nous avons développé un système de croyance dans lequel « l’enseignant fait grandir l’enfant ». Nous en oublions parfois la formidable capacité d’apprentissage permanent de nos enfants.

La littérature, les visites de musées, de parcs et toutes les infrastructures éducatives non formelles sont des apports précieux. Le sport ou la pratique d’un instrument de musique permettent à l’enfant d’intégrer des réseaux sociaux. Les enfants apprennent également par imitation. Les sociétés traditionnelles le savent encore. Cette imitation n’est pas imposée mais désirée. Le jeune acquiert un savoir ou une compétence spécifique à un moment précis de son développement : lorsqu’il en a besoin ! Ce type d’éducation requiert du temps et de la patience, souvent peu compatibles avec la vie moderne. Pour Thierry Pardo, c’est avant tout une question de choix personnel. Nous plaçons nos priorités là où bon nous semble…

Pour compléter ces apports, notre trappeur québécois insiste sur l’apport du voyage. Sous l’intitulé « la pédagogie de l’ailleurs », il détaille les étapes constructives liées au voyage. Le moment où l’on sort les cartes pour étudier les trajets, l’organisation et la préparation des sacs… Pendant le voyage, il faut apprendre à s’adapter aux conditions, aux interactions avec les autres ainsi qu’aux imprévus. Il y a aussi le retour. On en parle assez peu. Cela peut être difficile mai Thierry Pardo a une astuce : apprendre à se raconter ! Ce qu’il fait très bien dans un ouvrage autobiographique, « les savoirs vagabonds ».

 

Entretenir naturellement la fertilité

Qu’est-ce qui ressort de des méthodes que Thierry a lui-même testé en famille ?

Se donner du temps et en laisser aux enfants ! « Le temps est l’or du siècle » déclare-t’il. C’est l’ingrédient essentiel à l’expérimentation libre. Le cerveau se construit dans cet espace de respiration. Ménageons des espaces de liberté dans les plannings surchargés de nos enfants. Laissons-les s’ennuyer ! Ne cherchons plus à remplir chaque interstice.

Cela ne veux pas dire de les laisser errer sans but ni cadre. Les enfants se construisent avec des interactions fertiles et qualitatives. « De quoi as-tu besoin ? » est une question pose souvent à ses 2 garçons. Il fait preuve de bienveillance bien sûr mais se méfie toujours des exigences déguisées… Il cite en guise d’exemple un parent « bienveillant » qui a beaucoup d’attentes vis-à-vis du nombre de buts que son fils doit mettre au foot…

Une autre mise en garde qu’il nous adresse est celle de la dépendance. « Ma responsabilité envers mon enfant ne doit pas me donner du pouvoir ». La tentation est grande pour nombre d’entre nous de se sentir investit d’un pouvoir particulier sur nos enfant. Je suis l’adulte, tu es l’enfant. Je parle, tu apprends. Je dis, tu fais. Comment co-construire les choses si nous appliquons à la relation une forme de domination, de verticalité ?…

dédicace thierry pardo
Les savoirs vagabonds : dédicace de Thierry Pardo

La vie, ce n’est pas une discipline !

Après nous avoir expliqué l’intérêt de la corde à 13 nœuds et du Rubik’s cube dans les racines carrées et cubiques, beaucoup éprouvèrent un goût soudain pour les mathématiques !

Si la vie n’est pas une discipline, alors cultivons notre esprit d’indiscipline voire de pirate ! Car Thierry n’est pas qu’un trappeur. Non. Il saborde les vaisseaux des rois de la novlangue.

Avec les « Pirates de l’éducation », Thierry Pardo aide les familles qui ont choisi « Unschooling » à travers une formation qu’il vient de lancer.

Guillaume

En Résumé !

Livres de Thierry Pardo :

Les savoirs vagabonds

Une éducation sans école